Avant son départ pour un autre poste, une autre aventure, nous avons demandé à notre collègue, chef d’un service de protection de l’enfance à L’Etape Jeunes, d’écrire quelques lignes sur son parcours avant, pendant et après L’Etape. Son impression du moment? « Je suis content de les quitter au moment où je les aime encore un peu ».
Pour faire rapide, j’ai commencé à travailler avec des ados en 93, des jeunes de quartier. En 96 j’ai créé un atelier bois pour des jeunes sans abris et je travaillais auprès d’un public plutôt jeune toxicomane. Maraude dans un bus en soirée et nuit en binôme avec un infirmier : distribution de seringues et construction d’une relation autre que la drogue. A partir de 98 : protection de l’enfance foyer + AEMO (suivi des enfants à domicile). Un passage de 3 ans et demi en ITEP « Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique » auprès d’ados. Arrivé en mars 2015 à L’Etape sur une service de protection de l’enfance, le PHARE.
Bref, finalement, un parcours avec un public jeune et je pars aujourd’hui vers de nouvelles aventures : nouvelle fonction, nouveau projet, nouvelle association, nouveau public, nouvel élan. Content de les quitter au moment où je les aime encore un peu et j’ai encore des désirs, des envies pour eux.
Cadre depuis 10 ans : chef de service + directeur adjoint ITEP + chef de service Phare. Une décennie d’astreinte, c’est bien, ça s’est fait.
Le service du Phare de L’Etape Jeunes accueille et accompagne des jeunes âgés de 15 et 21 ans dans 29 studios individuels à Nantes. Ces jeunes sont confiés par le Conseil Départemental (dans le cadre de la Protection de l’Enfance) ou par la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
Les jeunes ont besoin, au PHARE ou ailleurs, de pouvoir expérimenter un autre rapport aux adultes, au monde. S’appuyer sur des adultes rassurants, cadrants, contenants et sans oublier stimulants. Ils ont besoin d’être considérés dans leur réalité d’ados en souffrance et de retrouver une place légitimée dans leur histoire, de pouvoir s’appuyer sur un potentiel de créativité pour reconstruire le rapport à soi, à l’autre, à l’environnement, au monde. Il est important, pour les adultes qui les accompagnent, de créer de la diversité dans l’accompagnement afin de favoriser, dans des conditions de sécurité suffisantes, l’ouverture vers l’extérieur, pour contribuer à travailler avec eux la question d’un possible, d’un ailleurs…
Il faut leur permettre de montrer qu’ils peuvent changer, évoluer, leur montrer qu’ils sont capables, qu’ils ont des forces et des compétences sur lesquelles il faut s’appuyer…
Pour l’accueil de stagiaires CAFERUIS (certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale), j’ai essayé de transmettre déjà toutes ses valeurs que je viens de nommer, c’est à dire qu’un chef de service est d’abord un chef au service du public, des missions du service et des équipes. Avoir le souci de l’autre et permettre aux éducateurs d’exercer leurs taches, mais tout en s’accomplissant dans leurs tâches. Jamais de certitudes, mais laisser une place aux doutes, ce qui rappelle que nous ne sommes pas que des techniciens mais des humains.
L’autorité n’est pas naturelle et reposer le cadre, c’est rappeler ce que nous avons décidé ensemble. D’où tout l’intérêt de donner du sens au travail que l’on doit mener pour que les travailleurs sociaux puissent comprendre les enjeux, se les approprier, et donc se mobiliser, s’engager.
Quelques petites phrases que mes collègues ont entendues plusieurs fois et qui ont guidé la place que j’ai occupée et que j’ai choisi d’occuper :
Le chef de service a un pouvoir de décision mais, il doit surtout prendre le pouvoir de donner du pouvoir aux travailleurs sociaux. Ainsi, ils pourront donner du pouvoir d’agir aux jeunes. Voilà, il doit y en avoir d’autres mais rapidement c’est ce qui me vient…
Sinon, j’ai envie de dire que j’ai vécu une belle tranche de vie à L’Etape. Je salue et tire mon chapeau aux personnels en guise de respect et de reconnaissance.
Propos recueillis en avril 2021.